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Le Togo a officiellement basculé dans la Ve République. Ce samedi 3 mai 2025, un congrès réunissant les 150 parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat a entériné un tournant majeur de l’histoire institutionnelle du pays. À l’issue d’un scrutin sans suspense, Jean-Lucien Savi de Tové a été élu Président de la République. Seul candidat en lice, il a été présenté par le parti présidentiel, l’Union pour la République (UNIR), largement majoritaire dans les deux chambres. Cette élection marque l’entrée du pays dans un régime parlementaire où le chef de l’État ne détient plus le pouvoir exécutif.
Âgé de 86 ans, Jean-Lucien Savi de Tové n’est pas un inconnu sur la scène politique togolaise. Ancien ministre du Commerce entre 2005 et 2007, il fut également une figure marquante de la Conférence nationale souveraine de 1991. Co-fondateur de la Convention des Peuples pour le Progrès (CPP), il jouit aujourd’hui d’une réputation d’homme de consensus. Son profil, à la fois expérimenté et non clivant, semble avoir séduit les stratèges du parti au pouvoir, soucieux d’éviter toute polarisation dans une période de transition.

La désignation de Jean-Lucien Savi de Tové a été actée à l’issue d’un vote purement formel. Selon Kodjo Adedze, président du congrès constitutionnel, le candidat remplissait l’ensemble des critères définis par la nouvelle constitution : nationalité togolaise de naissance, jouissance de ses droits civiques, bon état de santé physique et mentale, et résidence continue sur le territoire national depuis plus d’un an. Il a obtenu 100 % des suffrages exprimés.
Cependant, la fonction présidentielle change profondément de nature dans cette Ve République. Jean-Lucien Savi de Tové hérite d’un rôle essentiellement honorifique. Le chef de l’État devient un garant de l’unité nationale et de la stabilité des institutions, sans prise directe sur l’élaboration des lois ni sur la gestion du gouvernement. Il incarne les symboles de l’État, mais ne participe plus à l’exercice du pouvoir exécutif.
Celui-ci est désormais concentré entre les mains du Président du Conseil, nouvelle figure forte de l’architecture institutionnelle. Ce poste, confié sans surprise à Faure Gnassingbé, consacre la continuité de son pouvoir. Président de la République depuis 2005, Faure Gnassingbé a prêté serment le matin même devant la Cour constitutionnelle pour inaugurer cette fonction. En tant que président du Conseil, il demeure chef des armées, dirige la politique étrangère, pilote le gouvernement et contrôle l’administration.
Ce remaniement institutionnel, présenté par le pouvoir comme une modernisation de l’État et un rééquilibrage des institutions dans une logique parlementaire, est loin de faire l’unanimité. L’opposition y voit un tour de passe-passe constitutionnel visant à pérenniser l’emprise de Faure Gnassingbé sur les leviers du pouvoir. Des voix critiques évoquent un coup de force déguisé, orchestré dans un contexte où les débats démocratiques sont de plus en plus restreints.
Malgré ce climat tendu, l’élection de Jean-Lucien Savi de Tové offre une façade d’apaisement. Loin des ambitions partisanes, il apparaît comme un choix stratégique pour incarner la continuité républicaine sans interférer dans la conduite des affaires. Son profil rassurant et son parcours respecté permettent d’atténuer les critiques sur la concentration du pouvoir autour du Président du Conseil.
Cette réforme, en apparence technique, redessine en profondeur les équilibres du pouvoir togolais. En consacrant un président sans pouvoir réel et en transférant l’exécutif à une figure déjà en place, le Togo entre dans une Ve République aux allures de continuité plus que de rupture.
Par César S












































































