Une date, un événement : le 30 juillet 2018 est désormais inscrit dans les archives de deux grandes communautés comme une date historique. Les communautés conjointes, CEDEAO/CEEAC. Et un pays a eu l’honneur et le privilège d’accueillir pour la première fois sur son sol ce sommet conjoint : le Togo de Faure Gnassingbé. L’un des enjeux phares de ce sommet de haut niveau, c’est les menaces sécuritaires qui planent sur ces deux grandes régions économiques d’Afrique.
Les chefs d’Etats et de gouvernements de l’Afrique occidentale et centrale n’ont ménagé aucun calendrier pour prendre une part active au sommet conjoint du 30 juillet 2018 à Lomé. Ils étaient une quinzaine de chefs d’Etats, de vice-présidents et de premier- ministres, accueillis par le président togolais Faure Gnassingbé en personne,accompagné des membres de son gouvernement à l’aéroport international Gnassingbé Eyadema de Lomé.
Il s’agissait du Ghanéen Nana Akufo-Addo, du Burkinabé Christian Roch Kaboré, du Guinéen Alpha Condé, du Nigérian Muhammadu Buhari, de l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara, du Libérien Georges Weah, du Congolais Denis Sassou N’Guesso, du Centrafricain Faustin-Archange Touadera, etc.
A ce sommet conjoint de haut niveau, les défis sont communs et les réponses ont été communes, surtout face aux menaces sécuritaires auxquelles sont confrontées les deux grandes régions économiques de l’Afrique.
Les travaux ont été présidés conjointement par le président togolais Faure Gnassingbé en qualité de président en exercice de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, président en exercice de la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC).
•UN OBJECTIF SALUTAIRE
Le principal objectif de ce premier sommet inédit des deux organisations d’intégration sous régionale, était de créer les conditions d’une paix durable et d’un environnement sécurisé dans l’espace commun.
A la fin du sommet et sur la base des travaux en amont balisés par les experts ainsi que les ministres des Affaires étrangères et ceux de la sécurité de la CEDEAO et de la CEEAC, les chefs d’Etat ainsi que les responsables des délégations mandatés dans la capitale togolaise ont passé en revue la situation sécuritaire générale dans les deux régions et ont relevé, « les risques créés par la montée des défis sécuritaires, notamment en ce qui concerne le terrorisme, les trafics d’armes, d’êtres humains et de drogue, le blanchiment
d’argent et la cybercriminalité».
Ainsi, les 15 pays de la CEDEAO et les 11 de la CEEAC ont décidé « d’avoir une vision partagée des menaces et une approche commune des solutions à y apporter ». C’est la seule issue qu’ils ont ensemble trouvé pour faire face aux défis sécuritaires et renforcer la coopération
entre les deux communautés.
•DECLARATION DE LOME
A la fin des travaux, une Déclaration de Lomé sur la paix, la sécurité, la stabilité et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent dans les espaces de la CEDEAO et de la CEEAC a été adoptée, dont
voici la teneur : « Au titre de la promotion de la paix et de la stabilité, les chefs d’Etats et de gouvernements s’engagent à coopérer pour prévenir les conflits, promouvoir la paix et la stabilité dans les deux régions à travers notamment la mise en place et le renforcement, aux niveaux national et régional,de mécanismes d’alerte précoce et de réponse rapide aux crises impliquant la société civile, les leaders d’opinion, les femmes, les jeunes et les acteurs étatiques. Ils condamnent les actes violents commis notamment dans le cadre des crises internes visant à déstabiliser les Etats et tendant à remettre en cause les frontières nationales.
Les Chefs d’Etat s’engagent également à adopter, lors de leur prochain Sommet, un cadre régional portant convergence des principes constitutionnels au sein de la CEDEAO et de la CEEAC ».
•FEUILLE DE ROUTE
Une chose est de prendre des engagements, mais une autre est de pouvoir appliquer toutes les recommandations inscrites dans la Déclaration. Pour traduire dans les actes leurs engagements, une série de mesures a été annoncée dans la Déclaration de Lomé ainsi que dans le Communiqué Final ayant sanctionné le sommet.
Les deux communautés ont tout d’abord décidé de s’appuyer sur des mécanismes de coopération déjà existants entre les deux organisations,notamment dans le domaine de la sécurité et de la sûreté maritimes avec le Centre Interrégional de Coordination (CIC) issu des décisions du Sommet Conjoint CEDEAO-CEEAC du 25 juin 2013 à Yaoundé. Le sommet a souligné que des négociations seront bientôt entamées, entre les Etats des deux régions, en vue de la conclusion et de la mise en œuvre des procédures d’entraide et de coopération judiciaire. A cet effet donc, l’accord de coopération en matière de police criminelle entre les Etats de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique centrale devrait être signé par les ministres désignés, avant la fin de l’année 2018.
« Fortement préoccupés par la multiplication et l’étendue des conflits violents entre éleveurs et agriculteurs liés notamment aux effets négatifs du changement climatique », les chefs d’Etats ont également instruit les ministres en charge de l’Agriculture, de l’Elevage et de la sécurité des deux régions à engager des consultations régulières, avec la participation des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs, dans le but d’identifier les mesures pour prévenir et gérer pacifiquement ces conflits.
Au titre de la prévention et de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, il a été décidé « l’implication des leaders religieux et communautaires, des femmes, des acteurs du système éducatif et autres groupes concernés de la société civile dans l’élaboration et la mise en œuvre des programmes de déradicalisation, de réinsertion, de réintégration et de réconciliation ».
Par ailleurs, le Sommet s’est engagé à promouvoir les échanges d’informations et de renseignements entre les services de sécurité habilités de leurs Etats respectifs et à renforcer mutuellement les capacités de leurs forces de défense et de sécurité dans le domaine de la formation du personnel, des exercices conjoints, du renseignement et du respect des règles des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.
Plus encore, les Etats de la CEDEAO et de la CEEAC ont convenu de « mettre en œuvre des politiques publiques et des programmes de valorisation des régions affectées par les activités des groupes terroristes, notamment par la création de pôles moteurs de croissance et de développement, générateurs de revenus en faveur de la jeunesse ».
Dans la même lancée et toujours au titre des réponses communes, les chefs d’Etat se sont engagés à soutenir l’investissement public et privé dans tous les secteurs productifs pour une croissance inclusive afin de lutter contre la pauvreté.
•D’AUTRES PLAIDOYERS
Le Sommet de Lomé a été également l’occasion de plaider pour un appui de la communauté internationale aux efforts des régions dans la résolution de certains conflits et la prise en charge de certains défis comme la situation en Libye, dans le Bassin du Lac Tchad, au Sahel mais aussi en RDC ainsi que les enjeux climatiques et la crise migratoire. Des questions qui ont un air de déjà-vu d’autant qu’elles sont traitées dans d’autres plateformes comme l’UA, ce qui risque de multiplier les interventions et donc de diluer l’efficacité de l’effort pour une réponse commune aux défis qui affectent les deux régions.
C’est d’ailleurs l’un des aspects qui laissent assez circonspects certains spécialistes des questions sécuritaires et de développement, celle de la capacité des Etats à honorer leurs engagements.
Bien que les menaces soient réelles et la mutualisation des efforts comme l’une des alternatives les plus appropriées, l’absence de véritable intégration dans certaines zones et la rivalité entre certains pays malgré la montée des risques, sont de nature à hypothéquer cette ambition commune. L’absence au Sommet de Lomé de certains leaders à l’image de Paul Biya du Cameroun, Paul Kagamé du Rwanda ou Joseph Kabila de la RDC, en dit long bien que leurs pays aient été dûment représentés.