Le colonel Assimi Goïta a prêté serment en tant que président de la période de transition censée ramener les civils au pouvoir au Mali, lundi 7 juin, lors d’une cérémonie d’investiture à Bamako. Cette prestation de serment intervient après deux coups d’État qu’il a mené à bien en moins d’un an. Dans le même temps, le Sahel reste plus que jamais en proie aux violences jihadistes.
Alors que les principaux partenaires internationaux exigent des garanties que les militaires céderont la place début 2022 après deux coups d’État, le colonel a assuré que son pays respecterait tous ses engagements.
« Je voudrais rassurer les organisations sous-régionales, régionales et la communauté internationale en général que le Mali va honorer l’ensemble de ses engagements pour et dans l’intérêt supérieur de la nation« , a déclaré le colonel Goïta, après avoir prêté serment en uniforme d’apparat devant la Cour suprême.
L’ancien commandant de bataillon des forces spéciales a dit en particulier sa volonté d’organiser « des élections crédibles, justes, transparentes aux échéances prévues ». Les militaires s’étaient engagés, après un premier putsch le 18 août 2020, à organiser des élections présidentielle et législatives le 27 février 2022.
Cet engagement avait cependant été mis en doute par un nouveau putsch le 24 mai 2021, quand le colonel Goïta, resté l’homme fort du pouvoir, avait fait arrêter le président et le Premier ministre, cautions civiles de la transition ouverte après le premier coup d’État.
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), suivie par l’Union africaine et l’Organisation de la Francophonie, a suspendu le Mali de ses institutions. Elle a notamment exigé la nomination « immédiate d’un Premier ministre civil », affirmé la nécessité que la période de transition reste limitée à 18 mois, comme les militaires s’y étaient engagés après le premier putsch d’août 2020, et déclaré que la date prévue de la présidentielle devait être maintenue « à tout prix » au 27 février 2022.
« Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain (…) de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national« , a confié le colonel Goïta.
Dans un signal politique, les ambassades occidentales avaient généralement décidé d’envoyer à l’investiture un collaborateur plutôt qu’un ambassadeur.
UN DISCOURS DE GOÏTA CHARGE DE PROMESSES
Lors de la prestation de serment pour présider la transition, le Col. Goïta a pris des engagements et fait des promesses aux Maliens et aux partenaires extérieurs.
Le Col. Goïta chef de la junte qui avait renversé le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, a prêté serment le lundi matin à Bamako et devient donc le nouveau président de la transition. L’investiture s’est déroulée deux semaines après l’arrestation par les militaires du président Bah N’Daw et son Premier ministre, Moctar Ouane. Ces arrestations ont attiré les foudres de la communauté internationale sur le Mali.
DES ENGAGEMENTS ET DES PROMESSES
Dans son discours, le fraîchement investi président s’est pourtant voulu rassurant envers son peuple et ses partenaires internationaux.
A l’audience du Centre international des conférences de Bamako, le colonel Goïta s’est montré inclusif, évoquant les agriculteurs comme les éleveurs en référence aux conflits intercommunautaires, et rassembleur, notamment concernant les coupes budgétaires du train de vie de l’Etat.
« D’ores et déjà, j’ai décidé d’annuler les deux tiers du fonds de souveraineté du président… », a déclaré le colonel, déclenchant des ovations du public. Il promet de soutenir les secteurs de la santé et de la redistribution de l’eau potable sur l’ensemble du territoire. Un discours plein de promesses, dans lequel le colonel s’est engagé à se battre pour apaiser les tensions.
DES DISCUSSIONS AVEC LES SYNDICALISTES
« L’amélioration de vie des Maliens sera un souci constant pour le nouveau gouvernement à venir. Elle sera recherchée de façon intelligente pour ne pas fragiliser l’équilibre budgétaire et ne pas compromettre les investissements. Ainsi, je vais demander au nouveau gouvernement qui sera mis en place, d’engager un dialogue franc et sincère avec l’ensemble des syndicats pour une résolution durable de la crise actuelle », annonce le président de la transition.
« C’est un bon début », pense Lamine Savané, mais selon ce politologue de l’Université de Ségou, il faudra que le nouveau président aille au-delà des discours. « Je pense qu’il sera surtout jugé sur sa volonté de lutte contre l’injustice et contre l’impunité, qui restent, à mon avis, deux maux cardinaux de la crise que traverse le Mali aujourd’hui », ajoute M. Savané.
Le président fraîchement investi a également tenu à rassurer les partenaires internationaux, qui ont imposé des sanctions au Mali, en leur promettant que les délais de la transition seront respectés et que des élections justes et transparentes seront bien organisées.
D’ailleurs, dans la foulée de l’investiture, Assimi Goïta s’est empressé de nommer son Premier ministre : Choguel Maïga. Tête pensante du M5-RFP, mouvement qui avait lutté contre le pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keïta, il est un civil, ce qu’attendait la communauté internationale. Reste à voir comment le duo fonctionnera. Réponse dans les mois à venir.
CHOQUEL KOKALLA MAÏGA NOMME PREMIER MINISTRE
Le Mali, un pays crucial pour la stabilité du Sahel, vient d’être le théâtre de deux coups de force en neuf mois de la part d’Assimi Goïta et de son groupe de colonels.
Lors du premier, les officiers ont renversé, le 18 août 2020, le président Ibrahim Boubacar Keïta, affaibli par la contestation menée depuis des mois par le Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5/RFP), un collectif d’opposants, de religieux et de membres de la société civile.
La junte s’était alors engagée, sous la pression internationale, à une période de transition limité à 18 mois et conduite par des civils.
Le 24 mai, le Col. Goïta, resté le véritable homme fort, a foulé aux pieds cet engagement en faisant arrêter le président et le Premier ministre de transition, deux civils. L’officier s’est depuis fait déclarer président de la transition par la Cour constitutionnelle.
Pour le Mali, dont les forces manquent de moyens, le maintien des partenariats internationaux est un enjeu crucial.
Quelques heures après la cérémonie, Choguel Kokalla Maïga, un vétéran de la politique issu du M5, a été nommé Premier ministre. Le colonel Goïta satisfait ainsi à une exigence des partenaires internationaux.
Maïga, dont le parcours a épousé les soubresauts de la politique nationale depuis plus de 30 ans, a formé une équipe qui gouverne pendant la période de transition ouverte après le coup d’État d’août 2020 et jusqu’à des élections présidentielle et législatives prévues le 27 février 2022.
SUSPENSION DES OPERATIONS FRANÇAISES AU MALI
Échaudée par le nouveau coup d’État, la France a annoncé la suspension de ses opérations communes avec l’armée malienne, après huit ans de coopération étroite contre les jihadistes.
Jusqu’à nouvel ordre, sa force Barkhane, qui intervient dans plusieurs pays du Sahel, ne sortira plus de ses bases pour des opérations sur le terrain au Mali, même si elle continuera à frapper, si l’occasion s’en présente, les chefs jihadistes. La situation dans la zone d’action de Barkhane reste pourtant préoccupante.
Une suspension de la coopération militaire qui court jusqu’au retour à l’ordre constitutionnel normal dans le pays. Cette suspension concerne les opérations militaires conjointes entre les forces armées maliennes et les forces de l’opération Barkhane.
UNE SUSPENSION ET DES CONDITIONS
Les coopérants français qui sont dans l’état-major des armées maliennes quitteront également de façon momentanée leurs postes. Paris estime toutefois que ces décisions seront réévaluées dans les prochains jours si les militaires maliens au pouvoir établissent les conditions d’un retour à une transition démocratique. Selon Maciré Diop, journaliste spécialisé dans les questions de sécurité “s’il n’y a pas encore de réactions officielles du côté des autorités de la transition, cela veut dire que c’est une procédure normale qui intervient surtout à une période à laquelle, nous assistons à un régime d’exception qui fait suite au coup d’Etat. Maintenant il est clair que cela va impliquer beaucoup de choses. »
C’est l’institution sous régionale, la Cédéao, qui avait en premier lieu décidé d’imposer des sanctions diplomatiques contre le Mali après le deuxième putsch en 9 mois du colonel Goïta et de ses hommes. Celle-ci a été imitée par l’Union africaine, laquelle a à son tour suspendu le Mali de ses instances.
UN ISOLEMENT INTERNATIONAL
Fulgence Zeneth, Haut représentant par intérim de la mission de l’Union africaine au Mali et au Sahel (MISAHEL) précise que “les autorités maliennes ne pourront pas participer à des rencontres organisées par l’UA. Toutes les rencontres au niveau panafricain, les autorités maliennes ne pourront pas y prendre part. Il y’a d’autres instances de l’Union Africaine, vous avez la BAD (Banque Africaine de Développement), le parlement panafricain et plusieurs autres structures de l’UA. Donc cela veut dire que ça va les affecter durant cette période jusqu’aux prochaines élections. »