Le Premier ministre togolais, Mme Victoire Tomégah-Dogbé a indiqué, dans une interview accordée au média français « Le Point Afrique », que la digitalisation des services peut lutter contre la corruption au Togo. Elle a, également, évoqué des priorités devant permettre au pays de reprendre sa dynamique freinée par la COVID-19.
Dans cet entretien, la cheffe du gouvernement a fait savoir que, quand l’administration sera totalement numérisée, l’argent circulera moins et que par conséquent, il y aura moins de corruptions. « Nous voulons digitaliser près d’une centaine de processus administratifs. Après, c’est la reddition des comptes et cela concerne même les sociétés d’État. Nous avons doté le pays d’une Haute Autorité de Prévention et de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HAPLUCIA), d’une Cour des comptes, des structures pour nous aider à une meilleure traçabilité. Les résultats seront visibles dans les années à venir. Cette question doit également évoluer dans les mentalités », a expliqué Mme Tomégah-Dogbé.
Le Premier ministre a, par ailleurs, fait savoir qu’« en général, quand le citoyen togolais parle de corruption, il pense à un cas particulier, de quelqu’un qu’il connaît ou dont on lui a parlé, mais la corruption c’est tout le monde. C’est par exemple le citoyen qui accepte de corrompre quelqu’un pour faire avancer un dossier, etc. Je crois fortement que la digitalisation des services peut constituer une première réponse », a-t-elle souligné.
En février 2021, le gouvernement avait annoncé avoir examiné un projet de décret sur la digitalisation des services de l’administration publique. Le texte s’inscrit dans l’application de la loi sur la promotion de la bancarisation et de l’utilisation des moyens de paiement scripturaux. L’objectif est de promouvoir l’utilisation de moyens électroniques de paiement au sein de l’Administration, la bancarisation, l’inclusion financière et la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
MOYEN D’ACTION POUR ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE DIGITALISATION
Il y a 3 ans, dit le Premier ministre, le Togo n’avait pas de stratégie d’électrification, mais aujourd’hui, le Togo dépend encore trop de l’extérieur. « Quand on a compris cela, on a fait un vrai diagnostic avec des partenaires crédibles. On vient de mettre en service la centrale de Kekeli Efficient Power, située dans la zone portuaire, avec une capacité de 65 MW. D’ici à 2030, le Togo ne sera plus dépendant sur le plan énergétique et nous allons assurer à 100 % notre électrification avec un mix conventionnel et les nouvelles sources comme le solaire. Mais on ne peut pas attendre de faire l’électrification avant par exemple le déploiement de la fibre. Pour tous les grands travaux d’infrastructures, nous avons imposé qu’il y ait la fibre optique », a-t-elle poursuivi.
« Le continent africain peut tirer parti du numérique pour s’affranchir des vieux modèles industriels et accélérer sa croissance économique. L’économie numérique offre des possibilités d’accroissement de la productivité, l’esprit d’entrepreneuriat, l’innovation et la création d’emplois. Nous avançons vers une couverture Internet haut débit la plus complète possible », a martelé Mme Tomégah-Dogbé.
Dans cet entretien accordé au journal français Le Point Afrique, la cheffe du gouvernement a aussi évoqué les priorités de l’exécutif pour permettre au pays de reprendre sa dynamique freinée par la Covid-19 et passé en revue presque tous les secteurs (gestion publique, éducation, social, santé, économie, justice, énergies ou encore leadership féminin).
« Il nous fallait changer de paradigme », a indiqué le Premier ministre, avant d’ajouter que « Les défis sont immenses, mais quand il faut prendre des risques pour réussir, il faut le faire et ne pas hésiter à innover ». Pour elle, il s’agit surtout d’agir, « mais dans l’intérêt du bien commun de la population togolaise ».
CONCEPTION DU DEVELOPPEMENT SELON LA CHEFFE DU GOUVERNEMENT
« Il y a deux ans, nous nous sommes dotés d’un Plan national de développement (PND) dans le but de transformer structurellement le Togo pour créer plus de richesses et d’emplois. Le Togo a une position géostratégique particulière. Notre pays a une ouverture naturelle sur la mer et aussi sur les pays de l’hinterland, on a un port très performant qui a bénéficié de nombreux investissements ces dernières années. Mais la crise sanitaire mondiale de la Covid-19 nous a quelque peu obligés à repenser notre mode de fonctionnement. L’élection présidentielle de février 2020 a aussi marqué l’entrée dans un tout autre mandat et le président a pensé à une feuille de route plus efficace. Il nous fallait recentrer les priorités, parce qu’avec la Covid-19, on ne peut plus travailler comme avant. Les besoins des populations ont augmenté, il faut changer de rythme, notamment dans la fourniture des services publics. En fait, il nous fallait changer de paradigme », dixit Mme Tomégah-Dogbé.
Elle a expliqué que l’extrême pauvreté n’attend pas et que les populations togolaises participent beaucoup à l’effort de construction du pays. C’est un atout et cela permet également d’attirer les investisseurs. En s’appuyant sur elles, on pourrait avoir de meilleurs résultats sur tous les services de base et ainsi donner des ressources aux plus marginalisés.
LES AMBITIONS DE MME TOMEGAH-DOGBE SUR LA TRANSFORMATION LOCALE
« Nous devons en effet créer de la richesse et des emplois en misant sur les potentialités et les avantages comparatifs du pays », a affirmé le Premier ministre. « De manière concrète, il s’agit d’opérer une transformation économique de l’agriculture et du secteur industriel, en valorisant davantage les filières à travers une approche de chaînes de valeur plus productives, plus compétitives et qui créent massivement des emplois. Il est également question, de développer le secteur logistique du pays à travers la construction et la réhabilitation des infrastructures de transport routier et la modernisation du port dans le but d’améliorer la compétitivité de l’économie togolaise », a-t-elle ajouté.
« L’expérience a montré que quand l’approche des chaînes de valeur est bien définie sur des filières ciblées, cela fonctionne. Je donne l’exemple de la filière du soja biologique, dont le Togo est le premier exportateur mondial vers l’UE. Une vingtaine d’exportateurs organisent et structurent la filière, pour un total de production exporté de plus de 10.000 tonnes. Nous avons démarré, avec l’appui d’un partenaire privé Arise, filiale du groupe Olam, les travaux de construction de la Plateforme Industrielle d’Adétikopé (PIA) sur des centaines d’hectares et qui sera dotée d’une infrastructure moderne et de services logistiques multimodaux intégrés. Cette plateforme permettra de transformer localement les produits de notre agriculture, qui représente près de 40 % de notre PIB et devrait nous permettre de créer jusqu’à 35.000 emplois » a dit Mme Tomégah-Dogbé.
Le Premier ministre a révélé que, grâce à un partenariat stratégique avec un grand acteur du privé, le Togo a engagé la transformation du secteur cotonnier, afin d’augmenter sensiblement la production et de créer plus de valeur ajoutée pour l’économie à travers la transformation du coton, dans le but d’augmenter les revenus des producteurs et des acteurs de la filière.
« Le Togo est également doté d’un port naturellement en eau profonde qui a connu d’importants investissements ces dernières années, et on sait que les défis persistent parce qu’il faut digitaliser les services pour rendre ce port plus efficient. Aujourd’hui, c’est l’un des ports les plus performants en Afrique. Le but est d’en tirer le maximum avantage afin de desservir plusieurs autres pays. Notre marché n’est pas fermé. Au-delà des huit millions de Togolais, on a accès à un marché de 400 millions d’habitants dans notre sous-région », a conclu Mme Toméga-Dogbé.