La chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé, le mercredi 31 mars 2021, l’acquittement prononcé en première instance le 15 janvier 2019 de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, premier ancien chef d’État qu’elle a jugé, lors d’un procès pour crimes contre l’humanité lié aux violences post-électorales en 2010 et 2011. Cette décision ouvre la voie au retour de l’ancien président ivoirien dans son pays.
Gbagbo a levé les deux pouces en l’air en direction de son avocate à l’énoncé du verdict. Pour lui, c’en est terminé : après une décennie de procès devant la Cour pénale internationale (CPI), il est définitivement libre. La chambre d’appel de la juridiction internationale a confirmé son acquittement ainsi que celui de Charles Blé Goudé. Les deux hommes étaient accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité durant la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire, qui avait fait plus de 3 000 morts.
Le ministère public, à l’origine de l’appel sur lequel la CPI a statué le mercredi, avançait que les juges de première instance avaient commis une erreur en considérant en 2019 que l’accusation n’avait pas apporté la preuve de la culpabilité de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, son coaccusé.
Laurent Gbagbo, 75 ans et Charles Blé Goudé, 49 ans, avaient été accusés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, notamment meurtres, viols et persécution, au cours des violences post-électorales en Côte d’Ivoire de 2010-2011, lorsque Gbagbo avait refusé d’accepter sa défaite face à son rival Alassane Ouattara, l’actuel président.
GBAGBO TOUJOURS POPULAIRE CHEZ SES PARTISANS
Depuis son acquittement, Laurent Gbagbo vit en Belgique. La CPI avait refusé sa demande de liberté sans condition, mais avait autorisé l’ex-président à quitter la Belgique vers un pays acceptant de le recevoir.
En possession, selon son avocate, de deux passeports, un ordinaire et un diplomatique, remis par les autorités ivoiriennes, l’ex-président avait annoncé en décembre son désir de rentrer en Côte d’Ivoire, mais ce retour se fait toujours attendre.
La décision de la CPI sur l’appel de l’accusation était attendue en Côte d’Ivoire, où l’ombre de Laurent Gbagbo plane toujours sur une nation meurtrie par les violences politiques depuis plus de 20 ans. De nouvelles violences liées à la dernière présidentielle d’octobre 2020, remportée par Alassane Ouattara qui se représentait pour un troisième mandat controversé, ont fait près de 100 morts.
Président de 2000 à 2010, Laurent Gbagbo, toujours très populaire chez ses partisans, avait été arrêté en 2011. Après son acquittement surprise les juges ayant notamment estimé que les preuves à charge étaient insuffisantes, le bureau de la procureure de la CPI avait estimé que les magistrats n’avaient pas rendu une décision motivée en bonne et due forme et avaient commis des erreurs de droit et de procédure.
La procureure générale sortante de la Cour, Fatou Bensouda, avait interjeté appel en septembre 2019, huit mois après l’acquittement, réclamant la tenue d’un procès en appel. Fatou Bensouda, ainsi que ses services, sont sous le feu des critiques : si la CPI, fondée en 2002 pour juger les pires atrocités commises à travers le monde, a notamment condamné des chefs de guerre congolais et un jihadiste malien, l’accusation a échoué dans ses dossiers les plus emblématiques.
LAURENT GBAGBO ET CHARLES BLE GOUDE « LIBRES DE RENTRER QUAND ILS LE SOUHAITENT »
Le chef de l’État ivoirien a indiqué, le mercredi 7 avril 2021, que l’ex-président et son ancien ministre de la Jeunesse peuvent désormais rentrer « quand ils le souhaitent » et que l’État prendra en charge les frais du retour de Laurent Gbagbo.
Une semaine après l’acquittement définitif de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, les deux hommes sont « libres de rentrer en Côte d’Ivoire quand ils le souhaitent ». C’est ce qu’a indiqué le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, lors du conseil des ministres, précisant que les frais de voyage de l’ancien président, ainsi que ceux de sa famille, seront pris en charge par l’État.
Début décembre, Laurent Gbagbo, qui vit actuellement en Belgique, s’était déjà vu remettre deux passeports, l’un diplomatique, l’autre ordinaire.
STATUT D’ANCIEN PRESIDENT
« Des dispositions seront prises pour que Laurent Gbagbo bénéficie, conformément aux textes en vigueur, des avantages et indemnités dus aux anciens présidents de la République », a par ailleurs indiqué Alassane Ouattara.
Interrogé sur la condamnation de Laurent Gbagbo, en 2019, par la justice ivoirienne à vingt ans de réclusion et à une amende de 329 milliards de F CFA dans l’affaire « du braquage de la BCEAO », le nouveau porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, a indiqué s’en tenir aux propos du chef de l’État, « qui a dit que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé pouvaient rentrer quand ils le voudraient ».
Faut-il alors s’attendre à une grâce présidentielle, voire à une amnistie ? Selon les informations, des négociations sont en cours pour une levée de toutes les condamnations de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara « reste bienveillant quant à la situation des victimes qui continueront à bénéficier du soutien de la Côte d’Ivoire », a tenu à préciser le porte-parole du gouvernement.