Le Togo a abrité du 26 au 28 mai 2021, les états généraux de l’Eco, la future monnaie unique de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Ce colloque international sur le thème « Quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’Ouest : Eco 2021 » a débouché sur une feuille de route pour la création de la monnaie Eco-Cedeao dénommée Déclaration de Lomé
Le colloque international sur l’Eco organisé par la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG) de l’Université Lomé a connu la participation d’imminentes personnalités du monde financier, économique, politique, mais aussi d’Uni
versitaires chevronnés. Il s’agit, entre autre, du Prof Kako Nubukpo, commissaire du Togo à l’UEMOA, Didier Acouetey, président du groupe Afric Search ou encore Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin. L’homme politique sénégalais, Ousmane Sonko, Carlos Lopes, économiste de la Guinée-Bissau, Cristina Duarte, Conseillère spéciale pour l’Afrique à l’ONU ont quant à eux participé aux débats par visio-conférence. Pendant trois jours, ces personnalités et acteurs politiques ont planché, dans le cadre des sessions dédiées, sur des communications qui se situent pour la plupart à la frontière de la recherche en matière monétaire. Les échanges ont abouti à la rédaction d’une feuille de route qui sera proposée dans les jours à venir aux chefs d’Etats de la CEDEAO, afin qu’ils puissent s’en inspirer dans leurs discussions et décisions relatives à la mise en place effective de la monnaie Eco de la zone CEDEAO. La Déclaration de Lomé rappelle que depuis la décision du sommet des chefs d’État de la CEDEAO du 20 juin 2019 à Abuja, le principe de la monnaie Eco-Cedeao est acquis. Le processus politique vers l’adoption d’une monnaie commune répond à une revendication légitime en faveur de l’établissement de la pleine souveraineté monétaire des 15 Etats membres.
Le projet s’inscrit dans la perspective post-Covid de reconquête de toutes les souverainetés fondamentales (alimentaires, sanitaires, commerciales, financières, politique, sécuritaires) à l’échelle de la région. Il prend acte de la décision de sortie de la Zone franc engagée depuis fin 2019 par huit Etats avec notamment le rapatriement des devises du compte d’opérations domicilié en France et avec le choix d’une nouvelle dénomination de la monnaie, l’Eco.
Le projet vise à associer l’ensemble des États, quelles que soient leurs différences, en garantissant la souplesse nécessaire pour absorber les impacts des chocs externes lesquels peuvent diverger. Il vise à maximiser les potentialités d’une intégration économique accrue et renforcée. Le projet prend en considération les critères d’une bonne politique de change, à savoir financer les importations essentielles, soutenir les exportations, promouvoir le crédit local, protéger les «secteurs naissants» à fort potentiel d’emplois, compenser les impacts péjoratifs des chocs externes.
Sur les critères de convergence à court terme (prix, dette, déficit), le projet reconnaît la nécessité de fixer des critères macroéconomiques minimaux (ticket d’entrée) pour l’adhésion mais surtout le projet considère que la résorption des différentiels (prix, dette, déficit) n’est pas un prérequis, mais un objectif de moyen terme, rendu plus aisé à obtenir avec une politique économique adéquate.
Un desserrement de la contrainte d’inflation (4-8%) est requis afin de ne pas brider le potentiel de transformation structurelle. Une inflation modérée stimule le crédit car elle allège la dette pour les emprunteurs. Elle récompense l’innovation. Ce faisant, la convergence structurelle est fondamentale et des politiques sectorielles en faveur des chaînes de valeur agricoles et industrielles à vocation régionale doivent être mises en œuvre de manière
Le nouveau système sera construit sur une nouvelle monnaie, sui generis, distincte des monnaies existantes dans la Zone CEDEAO. Une Banque centrale serait chargée de conduire la politique monétaire et de change des pays membres de la Zone Eco-CEDEAO.
La mutualisation des réserves de change sera le socle de la solidarité. Dans la période de transition, la solidarité sera confortée sur une base politique et institutionnelle. Un mécanisme de coopération sera mis en place pour atténuer les divergences de vues et faciliter les convergences économiques.
La définition de la future monnaie Eco-CEDEAO se fera sur la base d’un panier de devises représentatif des principaux flux commerciaux de la Zone, avec quatre devises, l’euro, le dollar, le yuan et la livre sterling. Le taux de change de la monnaie commune sera flexible mais administré par la Banque centrale. Un accord de taux de change sera conclu entre les parties pour l’ancrage de leur monnaie existante à la monnaie Éco-Cedeao qui servira de pivot. Il sera adopté le principe d’un corridor à l’intérieur duquel, autour de la monnaie pivot pourront flotter les monnaies existantes avec une marge de fluctuations fixée surveillée par l’autorité monétaire de la Cedeao. À terme, sera envisagé le passage de la monnaie commune à la monnaie unique. Une attention particulière sera accordée aux perspectives de la digitalisation monétaire.
NECESSAIRE TRANSITION VERS LA MONNAIE COMMUNE
Pour enclencher la transition vers la monnaie commune,
un premier pool d’États réunissant les critères minimaux de convergence (qui devront être actualisés) pourra se réunir. Par la suite seront recherchées de nouvelles adhésions au projet en recherchant celles plus faciles à obtenir. L’abandon de la garantie du Trésor français accordé aux États de l’UEMOA sera décidé. La confiance dans la monnaie Eco-Cedeao s’appuiera sur de nouveaux mécanismes endogènes de sauvegarde et de crédibilité. Lors de la phase de transition et d’apprentissage des mécanismes de change, l’attention portera sur le rapprochement fiscal et budgétaire et la stimulation des marchés financiers régionaux, deux conditions nécessaires. Enfin, il est clairement admis que derrière les questions relatives aux choix sur la manière d’opérer la création de la nouvelle monnaie, sur la future parité et son adossement à un panier de devises, sur le niveau de flexibilité du taux de change ou sur le «bon» régime d’allocation des devises qu’il faudra adopter, se cachent d’autres questions cruciales, à savoir engager la transformation structurelle des économies ouest-africaines. Pour être porteuses de changements véritables, les propositions pour accompagner le passage à l’Eco-Cedeao devront être solides au plan technique, argumentées au plan économique, acceptées au plan politique et fondées sur des mesures dont les impacts et les risques futurs seront préalablement évalués. La question de la reconnaissance des avantages de l’intégration monétaire et de leur partage pour susciter l’adhésion des populations est fondamentale pour la réussite du projet.