Officiellement lancé le 25 janvier 2014 par le chef de l’État, Faure Gnassingbé, le Fonds National de la Finance Inclusive(FNFI) est une réponse institutionnelle de l’État togolais à l’épineuse question de l’exclusion financière d’une importante catégorie de la population togolaise que sont les femmes, les jeunes, les paysans, les artisans, souvent ignorés par le système classique de financement. Trois ans après son lancement, le FNFI a changé radicalement la vie d’un grand nombre de Togolais grâce aux différents produits adaptés à chaque secteur d’activité. Dans cette interview exclusive, le directeur général du FNFI, M. Yves Manawè GNABA dresse le bilan de cette initiative sur le terrain après trois années d’expérience.
Delta INFOS : Quel bilan peut-on dresser après 3 ans de mise en place du fonds de la finance inclusive ?
Yves M. GNABA : Le FNFI est le fruit d’une forte volonté du Chef de l’État de lutter contre l’exclusion financière et sociale dans notre pays. En effet, il avait été observé que malgré l’action conjuguée des banques et des institutions de microfinance, certaines personnes n’avaient toujours pas accès aux services financiers de base.
Le FNFI est donc une réponse institutionnelle forte et professionnelle pour permettre à la majorité des Togolais, surtout les plus en marge du système financier classique, (les pauvres, les agriculteurs, les femmes, les jeunes, bref les exclus sociaux de toutes sortes) d’avoir accès aux services financiers de base indispensables à l’amélioration de leurs conditions de vie.
Après trois ans de mise en œuvre, il est clair (et les résultats le démontrent) que le FNFI a des effets induits et directs sur le développement à la base et sur la lutte contre la pauvreté, grâce à la mise en œuvre, par 26 Prestataires des Services Financiers, de trois produits de base (APSEF, AGRISEF et AJSEF) à travers le mode opératoire du « faire faire ». Le produit de base du FNFI, à savoir APSEF (Accès des Pauvres aux Services Financiers), un produit à 4 cycles de crédit allant de 30.000 à 50 000 FCFA maximum, a apporté une vraie évolution socio-économique dans la vie de plus de 563 437 bénéficiaires dont 90% sont des femmes. Ces femmes pratiquent de petites activités génératrices de revenus qui leur permettent d’avoir le minimum vital et de prendre en charge les soins de santé primaire, l’alimentation et les frais scolaires de leurs enfants. Les fédérations préfectorales de développement à la base ont joué un rôle très déterminant dans la promotion de ce produit. Le Produit AGRISEF (Accès des Agriculteurs aux Services Financiers), un produit à 2 cycles de 100.000 FCFA maximum chacun), a permis à plus de 166 822 bénéficiaires (50 % femmes et 50 % hommes) d’acquérir des intrants agricoles, (engrais, semences, main d’œuvre) pour améliorer leurs activités agricoles. Les paysans sont très demandeurs de ce produit et il faut saluer la bonne synergie entre le Ministère du Développement à la Base, le Ministère de l’Agriculture et tous les services techniques d’appui pour sa mise en œuvre sur le terrain par les Institutions de Microfinance.
Quand on sait que 70 % de Togolais vivent en milieu rural, il est évident que le produit AGRISEF constitue une puissante locomotive pour amoindrir la pauvreté dans nos villages et cantons, et partant à l’échelle nationale. Le Produit AJSEF (Accès des Jeunes aux Services Financiers), un produit à 2 cycles de 300.000 FCFA maximum chacun, est un crédit spécialement conçu pour les jeunes. A ce jour, AJSEF a permis de toucher plus de 15 491 Jeunes sur l’ensemble du territoire. Ces trois produits ont ainsi permis de toucher près de 800 000 nouveaux bénéficiaires à fin Juin 2017.
En 2016, le FNFI a lancé trois nouveaux produits spécifiques. Il s’agit du Produit d’Accompagnement Spécial (PAS) destiné aux bénéficiaires en fin de cycle, du produit saisonnier pour les opportunités d’affaires pendant les périodes spécifiques (vacances et rentrées scolaires, fêtes de fin d’année, fêtes traditionnelles…) permettant de faire face à l’impérieuse nécessité d’accompagner les bénéficiaires d’AJSEF et d’AGRISEF en fin de cycle pour assurer leur inclusion effective dans le système financier ; ainsi que du produit BAD dans le cadre du Projet d’Appui à l’inclusion Financière des Femmes Vulnérables (PAIFFV) cogéré avec le Ministère de l’Action Sociale pour l’inclusion de certaines cibles vulnérables (portefaix, handicapées, veuves, vivant avec le VIH…).
Au regard des résultats obtenus, il ressort que le FNFI est un puisant instrument de lutte contre l’exclusion financière. Il a favorisé l’amélioration de l’accès des populations aux services financiers : le taux d’inclusion financière, au sens large, en considérant les interventions du secteur de la microfinance et celle de la finance inclusive, est passé ainsi à 60 % selon les conclusions de l’étude réalisée par UNCDF.
Les résultats engrangés par le FNFI témoignent de la forte adhésion des populations, surtout les femmes, et de la contribution de cette initiative à la réduction de la pauvreté au Togo.
Sur le terrain, plus de 90% des crédits accordés par les PSF partenaires du FNFI sont remboursés. Par exemple, la Région des Savanes (qui concentre les zones d’extrême pauvreté) affiche des taux de remboursement avoisinant les 100%. Les actions du FNFI ont permis à ce jour de toucher au moins 85 % des villages et une stratégie est actuellement en cours
d’élaboration pour que 100 % des villages du Togo soient couverts.
Il faut ici saluer le rôle important joué par la Fédération des Bénéficiaires des Services Financiers du FNFI (FEBESEF), les fédérations de Développement à la Base, les PSF et PST pour leur contribution à l’identification des groupes bénéficiaires des services financiers, au suivi des crédits, et aux remboursements.
Malgré ces résultats positifs, des efforts restent à faire pour l’approfondissement de l’inclusion financière des populations.
Pouvez-vous nous parler du programme assurance FNFI et de ses objectifs ?
Le programme Assurance du FNFI, tel que voulu par le Gouvernement, sous l’impulsion du Chef de l’Etat, est une solution assurancielle pour les populations bénéficiaires des produits du FNFI. Le programme Assurance permet d’assurer la pérennité des activités des bénéficiaires FNFI en cas de survenance d’évènements malheureux.
Il comprend trois volets : -une garantie Accident/ Décès Accidentel qui permet une protection contre les impayés en cas de survenance d’accidents de la vie aux conséquences
dramatiques. L’assureur prendra en charge l’encours du prêt à la date du décès de l’adhérent.
-une couverture multirisque professionnelle afin d’assurer aux bénéficiaires la pérennité de leurs activités génératrices de revenus. Ainsi, en cas d’incendie, une indemnisation de 50 % du crédit restant est octroyée au bénéficiaire, afin de lui permettre de reprendre son activité.
-une couverture santé afin de permettre aux bénéficiaires de faire face aux soins primaires en cas de maladie. Cette garantie qui se présente sous forme de prise en charge totale, dans les centres de santé publics, est plafonnée par période de couverture. Les plafonds de la couverture santé sont les suivants ; APSEF 5000 F ; AGRISEF 10 000F ; AJSEF 15 000 F.
Les cotisations ont été fixées comme suit :
– 0,5% du montant du crédit pour les bénéficiaires APSEF
– 0,75% pour les adhérents AGRISEF et AJSEF.
Le Programme Assurance doit être perçu comme une véritable chance pour tous les bénéficiaires du FNFI et constitue d’une certaine manière un maillon de référence dans la politique de protection sociale et de couverture des risques prônée par le Gouvernement. Il est heureux de souligner que l’assurance FNFI représentait une attente forte des populations qui y ont souscrit tout de suite, non seulement, en vue de prévenir, d’anticiper les risques liés à l’activité humaine, mais aussi de consolider l’ancrage effectif dans le paysage financier pour l’amélioration des conditions de vie.
Dans ces conditions, la couverture des sinistres présage un équilibre sain et une certaine manière de créer des conditions idoines pour que les femmes et les hommes puissent adhérer pleinement aux objectifs de développement à la base, particulièrement durant ce mandat voulu social par le Président de la République. Le programme de couverture maladie qui préfigure la vision du Chef de l’Etat pour une couverture maladie universelle, permet, dans un premier temps, à tous les bénéficiaires du FNFI et subséquemment à toutes les Togolaises et Togolais, d’accéder à des soins de qualité sans aucune entrave.
L’assurance maladie participe à une vision soutenue et assumée où tous les individus, tous les ménages et toutes les collectivités bénéficient d’un accès universel à des services de santé promotionnels préventifs, curatifs et réadaptatifs de qualité sans aucune forme d’exclusion et où il leur est garanti un niveau de santé économiquement et socialement
productif. Ce noble dessein qui rejoint les Objectifs du Développement Durables des Nations Unies, notamment l’objectif 3 ( « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge ») constitue sans doute la clé de voûte du dispositif assurantiel du FNFI.
Quelles sont les perspectives du Fonds National de la Finance Inclusive ?
Après trois années d’activités du Fonds National de la Finance Inclusive et sur la base des résultats probants engrangés, des études ont été engagées pour construire une vraie stratégie nationale d’inclusion financière.
Cette stratégie devra s’articuler autour de trois principaux axes à savoir :
Axe 1 : Approfondir l’inclusion financière en étendant le champ à de nouvelles cibles, par l’intermédiaire de la finance digitale, eu égard au nombre élevé d’utilisateurs du téléphone portable pour aller plus loin et amoindrir les coûts de l’installation physique des agences et points de services des IMF ( Institutions de micro-finance ).
Axe 2 : Développer des produits innovants pour permettre un accès accru à plus de jeunes, à plus d’agriculteurs, et des produits spécifiques pour l’autonomisation des femmes (produit de la BAD…).
Les très petites et moyennes entreprises seront également visées à travers la finance participative.
Axe 3 : Etendre l’assurance FNFI à d’autres types de produits pour permettre à une large majorité des Togolais d’être couverts.