L’AFRIQUE SOLLICITE 100 MILLIARDS DE DOLLARS POUR LA RELANCE ECONOMIQUE
Les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Angola, du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de l’Ethiopie, du Ghana, de la Guinée, de la Guinée Bissau, du Libéria, de Madagascar, de la Mauritanie, du Mozambique, du Niger, du Nigéria, de l’Ouganda, de la République Démocratique du Congo, du Rwanda, du Sénégal, du Soudan, de la Tanzanie et du Togo, ont pris part à Abidjan en République de Côte d’Ivoire, le jeudi 15 juillet 2021 à la 20e reconstitution des ressources de l’Association Internationale de Développement (IDA-20).
A l’issue de la rencontre, les Chefs d’Etat et de gouvernement ont adopté une déclaration commune dénommée « Déclaration d’Abidjan » tandis que la Banque mondiale s’est engagé à s’atteler à fournir des facilités financières aux pays africains qui sollicitent 100 milliards de dollars pour la relance économique et dont plus de la moitié sont concernés par l’initiative IDA, afin de leur permettre de booster le secteur privé et soutenir la création d’emplois, des domaines particulièrement affectés par la pandémie.
Impulsé par le président ivoirien Alassane Ouattara, « IDA-20 » est une initiative soutenue par le groupe de la Banque mondiale à travers les pays développés donateurs pour accompagner financièrement les économies des pays pauvres ou en voie de développement, grâce à des mécanismes attractifs et non contraignants.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont discuté en général des défis communs de développement de leurs pays, d’objectifs et de buts communs, en vue de guider la relance économique de leurs pays et du rôle essentiel du financement extérieur, notamment à travers une reconstitution ambitieuse des ressources de l’Association Internationale de Développement (IDA), dans un contexte marqué par la pandémie de la COVID-19.
Le sommet de l’Association internationale de développement (IDA) qui était initialement prévu l’année prochaine a été anticipé. Se déroulant dans un contexte marqué par la pandémie de la Covid-19 et son impact particulièrement ravageur sur les économies africaines qui ont enregistré globalement la pire récession depuis 25 ans, la rencontre a été essentiellement consacrée à la relance économique post-Covid-19 et à la disponibilité des vaccins dont la Banque mondiale a promis de fournir 100 millions de doses à l’Afrique pour améliorer sa couverture vaccinale.
Ils ont exprimé leurs remerciements à l’ensemble des partenaires et aux pays donateurs pour les actions déjà réalisées et l’intérêt manifesté pour la 20e reconstitution de l’IDA, instrument capital pour les pays d’Afrique Sub-Saharienne (ASS) pour financer une économie africaine inclusive et durable pour le bien-être de ses populations.
Les participants ont salué la politique du Groupe de la Banque Mondiale, qui consiste à promouvoir un esprit collaboratif manifesté par l’écoute, la compréhension et le partage des défis, pour mieux accompagner les États dans la mise en œuvre de leurs stratégies nationales, à travers des financements et instruments adaptés aux besoins, comme en témoigne cette initiative d’Abidjan.
Le présent document, « Déclaration d’Abidjan », représente le résultat de leurs discussions et devrait constituer un cadre de référence pour la priorisation des interventions du Groupe de la Banque Mondiale au cours des années à venir.
EVOLUTIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES RECENTES ET DEFIS LIES A LA RELANCE COVID-19
L’Afrique Sub-Saharienne (ASS) a connu en 2020 la contreperformance économique la plus importante jamais enregistrée depuis plusieurs décennies, en raison de la crise mondiale due à la pandémie de la COVID-19. Le taux de croissance économique de la région s’est établi à -1.9% en 2020 selon le dernier rapport sur les perspectives économiques régionales du Fonds Monétaire International contre 3.6% initialement prévu. La pandémie a fortement affecté les indicateurs sociaux et a freiné les progrès entamés dans la marche vers l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) de 2030 ainsi que ceux de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine. L’emploi a reculé́ d’environ 8.5% en 2020 et plus de 32 millions de personnes ont basculé dans l’extrême pauvreté́. De même, les progrès dans le renforcement du capital humain, notamment dans la réduction des inégalités spatiales et de genre ont été ralentis, en raison de la fermeture d’écoles, laquelle aurait affecté près de 253 millions d’élèves, entraînant des pertes d’apprentissage et de formation. La crise a davantage exposé certaines vulnérabilités de l’Afrique, notamment au niveau de la sécurité alimentaire, de l’accès aux médicaments et aux vaccins, notamment contre la COVID-19 et de l’industrialisation.
A la pandémie de la COVID-19 et ses impacts économiques, sanitaires et humanitaires, s’ajoutent la crise sécuritaire subie par plusieurs pays d’Afrique Sub-Saharienne, son risque d’expansion et la nécessité pour les États d’y consacrer des ressources importantes souvent au détriment d’autres dépenses de développement. Ces problèmes sont susceptibles de conduire à une augmentation des conflits et de la violence et d’aggraver la fragilité et l’instabilité dans la région. Conscient de ce que la pauvreté et la précarité font partie des principales causes de terrorisme et de migration dans le monde, nous devons faire face à ces défis.
Les contraintes budgétaires et de trésorerie se sont accentuées pour les pays de la région, entrainant un accroissement de notre endettement, notamment non concessionnel. Alors que les capacités de mobilisation de recettes fiscales ont été confrontées à la fermeture de nombreuses entreprises ou à la baisse drastique d’activités, les investissements directs étrangers se sont amenuisés et les dépenses immédiates pour faire face à la crise sont devenues plus importantes.
Plusieurs pays du monde ont lancé de vastes plans de relance, en utilisant, à grande échelle, les instruments monétaires et budgétaires dont ils disposent pour lutter contre les effets néfastes de la COVID-19. En revanche, la plupart des pays Africains ne disposent pas d’instruments similaires.
Compte tenu du besoin additionnel de financement en Afrique Subsaharienne, estimé à 285 milliards de dollars sur les cinq prochaines années, notamment pour lutter contre la pandémie et le dérèglement climatique et accélérer la reprise économique, les pays Africains doivent adopter une stratégie soutenable de financement de leur développement incluant, outre leurs efforts propres de mobilisation des ressources domestiques, la mobilisation de financement concessionnel et non concessionnel et le secteur privé.
Ce contexte particulièrement difficile milite en faveur d’une plus grande solidarité de l’ensemble de nos partenaires et d’une réponse adaptée et flexible, qui intègre d’une part des solutions aux contingences de court terme, en matière sociale, économique et sécuritaire, et d’autre part, le soutien adéquat aux politiques de restauration de la dynamique de croissance économique et de réduction de la pauvreté ainsi que des inégalités.
PRIORITES POUR UNE MEILLEURE REPRISE EN AFRIQUE
C’est donc le moment d’agir et les ressources de l’IDA doivent permettre à l’Afrique de relancer ses économies ainsi que le processus de développement pour aider les populations à se remettre de l’impact de la COVID-19, repenser collectivement les approches de développement et de se concentrer sur les obstacles les plus critiques qui empêchent une reprise verte, résiliente et plus inclusive. Sachant que la plupart des personnes qui retomberont dans l’extrême pauvreté sont celles qui ont un faible niveau d’éducation, ont des emplois vulnérables ou sont déjà en situation précaire touchées par les sécheresses et les autres calamités climatiques, les chefs d’Etat et de gouvernement ont ciblé leurs actions sur trois thématiques majeures, à savoir l’amélioration du capital humain ; la création d’emplois par des politiques de développement du secteur privé ; et la relance économique.
Investir dans le capital humain et le protéger seront essentiels pour reconstruire une économie à productivité élevée, inclusive et plus résiliente. Cela implique l’amélioration des systèmes sanitaires, éducatifs, ainsi que l’insertion socio-professionnelle des jeunes par la qualité de la formation professionnelle et de l’enseignement technique. Leur devoir est de protéger les populations des chocs futurs par des filets de sécurité robustes et adaptables, ainsi que des systèmes de prestation de services résilients. Outre l’amélioration de l’accès aux vaccins contre la COVID 19, les chefs d’Etat souhaitent que l’IDA 20 offre la possibilité d’une consolidation des acquis en matière de capital humain, afin de parvenir à une véritable transformation humaine de nos populations.
Les chefs d’Etat et de gouvernement veulent promouvoir la création d’emplois par le développement du secteur privé, acteur clé de la transformation de leurs secteurs économiques stratégiques. Le défi du développement du secteur privé exige la poursuite et l’amplification des efforts d’amélioration du climat des affaires et d’importants investissements pour accroître l’offre énergétique, y compris l’accès et la réduction des coûts pour les populations et les entreprises. Ils requièrent également l’accélération du dynamisme de l’économie numérique, ainsi que des réformes et programmes aptes à stimuler la mise en place de facteurs de production et des investissements verts, résilients et inclusifs du secteur privé. Nous pensons spécifiquement au développement de l’Agro-industrie, au renforcement du secteur manufacturier, à la fabrication de produits pharmaceutiques et à la production de vaccins en Afrique à travers des partenariats industriels, le transfert de technologie et un partage de la propriété intellectuelle. Ils visent l’intégration des filières aux chaînes de valeurs internationales et le renforcement des échanges intra-africains, afin de capter une part plus importante de valeur ajoutée, indispensable pour l’amélioration du niveau de vie et du bien-être des populations. Les allocations IDA doivent ainsi permettre d’accroitre leur accès à des volumes plus importants de ressources financières, à des conditions favorables, grâce notamment à la mise en place de mécanismes de financements innovants et compétitifs, comme les mécanismes de « blending » et des garanties adossées aux ressources de l’IDA.
La relance économique est une priorité. L’Afrique doit rapidement sortir de la crise, pour entamer la dynamique vertueuse d’amélioration des indicateurs économiques, sociaux et de bien-être des populations. Elle impliquera la transformation structurelle et spatiale de nos économies, à travers la transformation des matières premières, une meilleure diversification économique, un développement des échanges intra-pays, de même que le renforcement de la coopération entre les États, notamment grâce à la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine. Les pays africains ont besoin, à l’instar de tous les pays du monde, d’espace budgétaire adapté pour faire face à la crise et relancer leurs économies sans toutefois remettre en cause la soutenabilité de la dette et la stabilité du cadre macroéconomique auxquelles nous sommes particulièrement attachés. Ils soutiennent à ce titre toutes les initiatives visant à améliorer l’accès des pays africains à des ressources longues et à des conditions intéressantes. La restauration de la croissance économique doit s’accompagner du développement d’un système d’anticipation des crises, afin de protéger les économies et les populations d’éventuelles pandémies, de crises humanitaires, de catastrophes naturelles et de l’insécurité alimentaire. Ainsi, l’IDA peut aider à renforcer les systèmes nationaux de base de prévention des crises, notamment climatiques et alimentaires et les politiques d’amélioration de la productivité agricole, particulièrement à travers un meilleur accès aux semences, aux fertilisants et aux équipements pour la mécanisation.