La 1ère édition des journées d’études sur les enjeux des finances publiques en Afrique au 21ème siècle s’est tenue les 24 et 25 avril 2023 à l’auditorium de l’université de Lomé. Ce colloque de deux jours qui a réuni experts en finance publique, universitaires, représentants d’organisations internationales et du secteur privé a accouché d’un rapport de synthèse. Ce rapport général relève non seulement les difficultés dont font face les administrations fiscales africaines à l’ère du numérique mais également des avantages que celles-ci peuvent tirer à l’effet d’optimiser les recettes fiscales.
Placé sous le thème : « la fiscalité des Etats africains à l’épreuve d’une économie mondialisée et numérisée » Ce colloque a été une occasion pour les participants de discuter des différentes problématiques liées à la fiscalité des états africains à l’ère du numérique, de la question de la collecte des impôts, la lutte contre l’évasion fiscale, la réglementation des transactions en ligne, etc…avec pour finalité de trouver des solutions adéquates pour la fiscalité des Etats africains.
Pour ce faire, avant de proposer des pistes de solution portant sur les enjeux de la fiscalité des Etats africains face à une économie mondialisée et numérisée, les participants à ce colloque, ont fait le diagnostic des administrations fiscales africaines à l’ère du numérique. Ceci, leur a permis de faire remonter les difficultés engendrées par l’introduction des TICs, avant de proposer des solutions idoines pouvant renverser la vapeur.
Effet, le rapport général de ce colloque souligne que les systèmes fiscaux notamment des Etats africains ont été mis à rude épreuve par le développement du numérique. C’est d’ailleurs ce que le Pr. Séni OUEDRAOGO a lors de son intervention qualifié « de système fiscaux ébranlés ».
LA FISCALITE DES ETATS AFRICAINS, UNE FISCALITE A LA MERCIE DU NUMERIQUE
Selon le rapport de ce colloque, le numérique a mis à mal tous les systèmes fiscaux du monde, et les Etats africains n’en font pas exception. Ces difficultés s‘expliquent à double point de vue : d’une part, par la complexification des ressources de revenues. D’autre part par l’inadaptation des systèmes fiscaux africains.
COMPLEXIFICATION DES RESSOURCES DE REVENUS
A l’analyse des participants, « la principale épreuve imposée par la numérisation et la mondialisation de l’économie à la fiscalité se manifeste par la mobilité et parfois la virtualité de l’activité économique ». Face à ce nouveau environnement, les systèmes fiscaux ont des difficultés à appréhender une matière fiscale qui « se mue désormais dans le virtuel, l’immatériel et par surcroit mobile ». Or, le propre de la fiscalité est de saisir la matière économique là où elle se trouve et indépendamment de l’aspect qu’elle affiche dès lors qu’elle génère un revenu.
Dans le même ordre d’idée, le Pr Yakouba OUEDRAOGO a soulevé les difficultés qu’éprouvent les administrations fiscales à identifier et qualifier les activités et revenus du numérique ; de la localisation et de la traçabilité de ces transactions économiques pour ne parler que ceux-là….
M. Ahmed SALL, pour sa part fait observer que la notion d’établissement stable fondé sur le principe physique de la territorialité « est en souffrance alors que numérique transcende les frontières et crée un phénomène de déterritorialisation et de a-territorialisation. Dans la même dynamique le Dr Sylvain OUEDRAGO a évoqué les difficultés qu’éprouvent les administrations fiscales africaines « à saisir les profits des multinationales en Afrique ». Fort de ce défi engendré par les nouvelles techniques de l’information et de la communication, les participants ont été unanime sur le fait que le « numérique a créé des incertitudes » dans le système fiscale des Etats d’Afrique. Ils ont par ailleurs déploré l’état des systèmes fiscaux africains qu’ils trouvent obsolète face aux nouvelles donnes imposées par le numérique.
LES SYSTEMES FISCAUX AFRICAINS INNADAPTES DU NUMERIQUE
Selon le même rapport , les administrations fiscales africaines ne sont pas assez outillées pour faire face aux défis engendrés par le numérique. « L’excroissance du numérique se manifeste dans l’inadaptation des systèmes fiscaux et des administrations fiscales ». L’obsolescence des règles fiscales pour appréhender le e.commerce », les difficultés des systèmes fiscaux africains à imposer « efficacement les prix de transfert, que d’ailleurs le numérique semble favoriser l’érosion de la base d’imposition ». L’autre mal causé par l’inadaptation des systèmes fiscaux africains est l’évasion fiscale….
Selon le Dr Ibouraim ADOYI, c’est carrément le réseau conventionnel des Etats de l’UEMOA qui (est) caduque. « Le réseau conventionnel des Etats de l’UEMOA est inadapté à l’économie numérisée car ce réseau conventionnel est non seulement limité, mais en plus il est démodé car ne répondant pas aux enjeux de la fiscalité internationale » s’est indigné le Dr IBOURAIM ADOYI.
Cependant, si le numérique favorise la déterritorialisation voire l’a-territorialisation de l’activité économique, il présente aussi des avantages et un espoir pour une fiscalité rigoureuse et performante.
LE NUMERIQUE, ESPOIR D’UNE FISCALITE PERFORMANTE
« Si la numérisation de l’économie perturbe les paradigmes fiscaux traditionnels, tout n’est pas pour autant perdu » précise le rapport. L’espoir donc selon les conclusions de ce colloque repose sur les solutions déclinées pour remédier aux effets pervers du numérique sur les systèmes fiscaux mais aussi surtout sur les défis que ces derniers doivent relever.
SOLUTIONS DECLINEES
Les solutions déclinées partent du fait que si le numérique transforme l’économie, celui-ci se présente comme une opportunité à saisir pour transformer les systèmes fiscaux en vue de les rendre plus performantes et les adapter ainsi aux réalités du moment. Autrement dit « les administrations fiscales africaines sont invitées à rentrer pleinement dans l’ère du numérique » mentionne le ce rapport. A cet effet, le M. Nyatefe Wolali DOTSEVI a indiqué les voies à suivre afin parvenir à un système de contrôle efficace à l’ère du numérique. Il s’agit selon lui entre autres « du système de fiscalité intégré, du système de gestion de l’entreprise et du système de l’immatriculation comme on peut l’observer au Nigéria ».
DEFIS A RELEVER
Effet, s’il existe des solutions pour faire face à la numérisation des activités génératrices de revenus, les administrations fiscales africaines doivent se réinventer tout en relevant un certain nombre de défis.
Au rang des défis à relever par les fiscalités africaines, le rapport évoque la mise en place d’une administration fiscale en alerte et résolument tournée vers la réflexion et la réforme permanente. Comme second défi, l’administration fiscale doit intégrer le numérique sans discrimination car la réforme doit tenir compte des impératifs de justice fiscale. En outre, les Etats africains doivent agir de concert pour peser sur les solutions arrêtées au plan mondial afin de défendre leurs intérêts communs. Le dernier et 4ème défi à relever indique cette même source est de mettre le numérique au service de la visibilité de l’impôt, devant le risque d’une disparition annoncée de l’Etat fiscal.
Il est à noter que ce rapport fait également état des avantages que certains pays ont déjà tiré du numérique. Ainsi, l’utilisation du mobile money au Togo a montré comment l’utilisation et l’analyse des données miroir ont permis de lutter contre la fraude douanière.
Pour finir, ce rapport insiste que « le numérique et notamment l’intelligence artificielle soient mis à profit pour renforcer la collecte des données et assurer un contrôle fiscal efficace ».