Les députés ont adopté vendredi 18 décembre 2020 à l’unanimité, le budget exercice 2021 qui s’élève à 1.521,6 milliards de francs CFA. Les recettes budgétaires s’établissent à 839,6 milliards CFA (1,57 milliard de dollars), moins que les dépenses budgétaires se chiffrant à 1120,4 milliards CFA (2,09 milliards de dollars), montrant un solde budgétaire déficitaire de 280,8 milliards CFA (524,78 millions de dollars). Le budget aux dépenses à forte teneur sociale, est en hausse de 10%.
Le ministre de l’Economie et des Finances Sani Yaya a expliqué que le déficit représente 6,1% du PIB et est « entièrement financé par le solde excédentaire des opérations de trésorerie ».
Selon M. Yaya, l’adoption de cette loi de finances exercice 2021 « consacre le basculement intégral au budget-programme » et donne au gouvernement un « instrument essentiel » pour la mise en œuvre des politiques publiques.
Pour le législatif, c’est la première fois d’examiner un projet de loi des finances sous forme de budget-programme. Une réforme qui « consacre désormais vraiment la Gestion Axée sur les Résultats avec des objectifs très clairs assignés à chaque département ministériel, ainsi que la déconcentration de la fonction d’ordonnancement », poursuit Sani Yaya.
« Le projet loi de finances exercice 2021 est celui des grandes innovations. Mieux, celui des grandes premières. Il est le premier adopté par le nouveau gouvernement suite à l’approbation de son programme d’actions, inaugurant une nouvelle ère dans la gouvernance », s’est félicité Chantal Yawa Djigbodi Tsègan, présidente de l’Assemblée nationale.
La part relative de ces dépenses a augmenté à 53,7% des crédits budgétaires contre 52,9% dans le budget 2020. Concrètement, sur un budget de plus de 1 521,6 milliards FCFA, en léger recul par rapport à l’exercice 2020, 445,1 milliards de francs CFA (contre 401 milliards en 2020) seront consacrés aux secteurs sociaux, prévoit Lomé, dans l’espérance d’une maîtrise rapide de la crise sanitaire l’an prochain.
Dans les scénarii les plus optimistes, les recettes budgétaires ne devraient se situer que dans le sillage de 839,6 milliards FCFA et les dépenses budgétaires sont attendues, à 1120,4 milliards de FCFA. Dans un tel contexte, Lomé qui anticipe une reprise en force de l’activité économique après le coup de frein de 2020 (+0,7%), table sur 4,7% de croissance et un déficit qui devrait se creuser à 6,1% du PIB, malgré une cure d’austérité dans les ministères et des institutions qui accuseront, dans la foulée, d’un abattement de 20%, 11 milliards FCFA, de leurs crédits de fonctionnements.
« Ainsi, pendant que beaucoup de pays enregistrent une récession de leurs économies, le Togo affiche un taux de croissance quoiqu’en recul, est projeté à +0,7% en 2020 et 4,7% en 2021 sous réserve que la pandémie soit rapidement maitrisée. En outre, le cadre macroéconomique demeure stable et l’endettement maitrisé à un taux d’endettement bien en dessous de la norme de l’UEMOA de 70%. », a souligné Sani Yaya, le ministre de l’Économie et des Finances.
LES GRANDS CHANTIERS
Pour relancer la machine économique, les autorités togolaises comptent s’appuyer surtout sur l’agriculture, et l’industrie naissante de la transformation, tout en renforçant l’inclusion économique et sociale, avec un vaste programme de désenclavement des milieux ruraux, l’accès à l’eau potable.
L’agriculture, l’agro-industrie, principal pourvoyeur d’emplois et crédité d’une contribution de 40% au PIB se voit allouer 65,7 milliards FCFA au moment où 9 milliards FCFA seront réservés aux pistes rurales en 2021, avec pour ambition de faciliter l’accès des producteurs et des populations rurales aux marchés et aux infrastructures de base de santé, d’éducation.
La santé occupera une place de choix dans l’agenda gouvernemental l’an prochain, avec un crédit de 77,9 milliards FCFA, soit 10% des fonds prévus pour les ministères. Alors que la crise sanitaire a mis à nu les déficits colossaux d’infrastructure sanitaire dans le pays, Lomé projette de construire un hôpital et un laboratoire modernes dans chaque région, ainsi que de renforcer le plateau technique des hôpitaux et centres de santé régionaux et préfectoraux. Aussi, « un accent particulier sera mis sur le renforcement des programmes de gratuité avec la prise en charge des soins de santé des femmes enceintes. »
Le budget alloué à l’éducation est porté à 195,5 milliards FCFA, avec notamment pour cahier des charges « la poursuite de la construction des salles de classe accessibles à tous, de la fourniture de matériels pédagogiques et didactiques ainsi que du recrutement et de la formation des éducateurs ».
« Pour ces deux secteurs (santé et éducation), le Gouvernement veut répondre aux défis posés par les manques en matières d’infrastructures ; le renforcement des effectifs et le renforcement de la résilience de ces secteurs essentiels pour les populations », explique le ministre de l’économie et des Finances, Sani Yaya.
D’autre part, « le Gouvernement poursuivra la mise en œuvre des programmes de construction de mini adductions d’eau potable et des programmes d’hydraulique villageoise avec pour objectif d’atteindre un taux de desserte moyen d’au moins 80% en milieu urbain ou rural. »
Des interventions, qui, combinées à la politique énergétique d’extension de l’électrification, devraient coûter 65,9 milliards de francs CFA, soit 8,2% du budget alloué aux ministères et institutions.
Dans la même veine, Lomé qui a opté pour la modernisation de son armée, avec la loi sur la programmation militaire va consacrer plus de 82 milliards FCFA au ministère de tutelle.
« Le Gouvernement poursuivra en 2021 les actions d’urgences sécuritaires, en vue de renforcer la lutte contre l’insécurité et le terrorisme transfrontalier. Ainsi, l’adoption et la mise en œuvre de la loi de programmation militaire permettent de doter les forces de défense et de sécurité de moyens nécessaires pour préserver les principaux atouts du pays que sont la paix, la sécurité et la stabilité. », a justifié le chef de l’échiquier national.
S’agissant du numérique dont la contribution devrait être significative aux différentes actions gouvernementales (e-administration, informatisation du casier judiciaire, identification biométrique, entre autres), 25,5 milliards vont lui être consacrés. Le secteur de l’eau s’en tire avec 65,9 milliards francs CFA.
UNE LOI DE FINANCES INCITATIVE
La mesure incitative fiscale au renouvellement du parc automobile est reconduite, avec le maintien des exonérations (partielle ou totale selon la catégorie) de droits de douanes et de TVA sur les véhicules neufs.
En outre, « l’effort est maintenu en faveur du secteur privé au travers la réduction des droits d’enregistrement et d’immatriculation de 5% à 1,5%. De même, le plancher de la taxe professionnelle unique (TPU) du régime déclaratif est réduit en faveur des jeunes entrepreneurs », indique le compte officiel du ministère togolais de l’Economie et des Finances.
Dans le même souffle, « le plancher de la taxe professionnelle unique (TPU) du régime déclaratif est réduit en faveur des jeunes entrepreneurs », indique-t-on au ministère dont le portefeuille est conservé par Sani Yaya pour alléger les charges fiscales qui pèsent sur les jeunes entrepreneurs.
Le budget exercice 2021 consacre non seulement la mise en œuvre intégrale du budget programme mais aussi prend en compte les Objectifs de développement durable (ODD) traduits dans le Plan national de développement (PND) et la feuille de route gouvernementale vision 2020-2025.
LE « PND RENOVE »
Sous l’effet de la crise sanitaire qui a bouleversé ses prévisions de développement, le Togo semble avoir relooké son Plan National de Développement (PND 2018-2022) et décliné ses nouvelles ambitions à travers ce qu’il convient d’appeler la nouvelle feuille de route stratégique 2020-2025.
Le nouveau document annonce ainsi des investissements cumulés de 2 800 à 3 400 milliards à FCFA d’ici à 2025, pour soutenir une prévision de croissance de 7,5% à l’horizon 2024. L’économie pourrait même progresser de 7,8% en 2025, dans le meilleur scénario. En comparaison, le PND tablait sur une croissance économique qui devrait se situer à 6,6% en moyenne par an pour atteindre 7,6% en 2022.
LES CINQ PILIERS
Pour parvenir à ses objectifs, Lomé compte relever 5 défis majeurs. Il s’agit notamment de la modernisation ainsi que la digitalisation de l’administration et de l’économie afin d’améliorer l’efficacité de l’action publique et la productivité des acteurs privés.
Le défi lié à l’augmentation de la contribution de l’investissement privé à la croissance devrait être relevé grâce à l’amélioration des progrès réalisés par la Cellule Climat des Affaires (CCA).
Figurant à l’Axe 1 du PND, le renforcement du positionnement du Togo comme un hub logistique est un objectif primordial des cinq prochaines années de gouvernance au Togo.
Sa réalisation passera par la consolidation des infrastructures et une capitalisation sur la position géographique stratégique du pays ainsi que son ouverture naturelle vers la mer et l’hinterland.
L’amélioration de l’efficacité de l’action publique est également en ligne de mire à travers un renforcement des structures de l’État et une meilleure résilience des systèmes sanitaires, éducatifs, et sociaux pour faire face aux crises futures.
FINANCEMENTS PUBLICS
Le pays qui espère réaliser autant d’investissements, se fixe comme axe prioritaire de sa gouvernance, le respect des ratios de la dette publique. Il table également sur l’accroissement de la mobilisation des ressources fiscales, dont la part dans le PIB devrait correspondre à 15% du PIB.
En ce sens, l’Office Togolais des Recettes (OTR) continue d’explorer des niches, dans l’optique d’élargir l’assiette fiscale. Il travaille également à capter davantage de recettes fiscales du secteur minier.
SECTEUR PRIVE EN RENFORT
Si les autorités togolaises ambitionnent d’engranger des ressources publiques, l’essentiel du financement de leur nouvelle vision de développement devra provenir du secteur privé.
Confortées par un partenariat dynamique avec celui-ci, elles espèrent des opérateurs économiques, une contribution de plus de la moitié des investissements envisagés.
« Les mesures gouvernementales en faveur de la résilience des acteurs économiques privés face à la Covid-19 devraient se renforcer en ce cas, afin de permettre à ces derniers de jouer leur partition », analyse un expert.