Les notes des bacheliers en mathématique et sciences physique session de juin 2021 sont très peu encourageantes. Dans l’émission « débat éducation » du mercredi 22 septembre sur la télévision, le professeur titulaire en mathématique des universités (Lomé et de Kara) du Togo, Kokou Tchariè, également enseignant à l’Ecole normale supérieure (ENS) d’Atakpamé où sont formés les professeurs pour le collège, a fait une analyse de cette contre-performance.
De son analyse, il ressort que ce résultat très peu reluisant, à une cause à la fois historique et institutionnelle et pédagogique. Son argumentaire aboutit également à des approches de solution formulées à l’endroit du gouvernement à travers les autorités en charge des différents secteurs de l’éducation au Togo.
STATISTIQUES DES RESULTATS DU BACCALAUREAT SESSION DE JUIN 2021
Selon M. Tcharie, sur la base des investigations menées à l’issue de la proclamation des résultats de baccalauréat 2021, il se trouve que pour les élèves de la série ‘’A’’ on a 31000 admis et des séries ‘’D’’ et ‘’C’’ confondues 23000 admis. Mais ce qui est intéressant dans le cadre de ce débat, poursuit-il, c’est ceux qui ont fait la série ‘’C’’ avec comme matières de base fondamentale les mathématiques et les sciences physiques. En effet, on a recensé 457 admis et sur cet effectif, on a que 140 qui ont la moyenne en mathématiques et sciences physiques, ce qui fait qu’il y a problème.
« Nous avons eu à l’examen du baccalauréat cette année 78.452 candidats et sur ce nombre 54.598 sont déclarés admis, ce qui représente 69,59%, plus ou moins 70% de l’effectifs total, c’est-à-dire que sur 100 élèves 70 ont décroché le diplôme de baccalauréat. Selon les statistiques, sur les 54.598 admis, la série A4 seule a 31.139 admis, ce qui représente 57% et toutes les dix autres séries à savoir les séries C, D, E, F1, F2, F4, G1, G2, G3 et TI se partagent 23.459 admis. Du coup, il convient de dire que cette situation mérite une analyse pour comprendre pourquoi ce grand déséquilibre », a affirmé le professeur.
LES CAUSES DE LA CONTRE-PERFORMANCE
Parmi les facteurs qui peuvent expliquer cette faible performance, le Pr. Tcharie exclus ceux culturels selon certains, parce que selon lui, il n’y a pas une culture qui peut permettre à quelqu’un de réussir ou non les mathématiques et les sciences physiques. « Je pense que c’est plutôt des facteurs historiques, institutionnels et pédagogiques qui seraient à l’origine », précise le professeur.
Selon les propos de M. Tcharie, le Togo comme tous les autres pays, au lendemain des indépendances avait compris que l’enseignement des sciences exactes devrait être une priorité. C’est ainsi qu’en 1970, le gouvernement d’alors avait créé l’Organisme de recherche sur l’enseignement des mathématiques qu’on appelait OREM, bien avant l’Institut de recherche pour l’enseignement en mathématique (IREM) en Côte d’Ivoire et l’Union mathématique africaine (UMA) de 1976. En 1986 l’OREM a été transformé en IREM. Déjà en 1988 et 1989 le Togo avait initié les lycées scientifiques qui ont été supprimés par la conférence nationale. En 1993 il y a rupture de la coopération avec l’occident et 90% des enseignants de mathématiques étaient des coopérants qui se sont repliés et du coup on a pensé que tout le monde peut être enseignant de la mathématique. On a donc préféré remplacer ces coopérants par tout genre d’ingénieurs ou même des titulaires de maitrise en économie pour enseigner la mathématique et les résultats deviennent de plus en plus inquiétants. « Ce sont ces causes qui expliquent la descente aux enfers dans l’enseignement de la mathématique au Togo », a relevé le professeur titulaire en mathématique des universités du Togo.
Les examens du baccalauréat ont commencé au Togo juste après la création de l’université de Lomé. « Pour savoir si ce sont les sujets qui sont plus difficiles ou si c’est le niveau des apprenants qui est bas, il suffit de comparer les sujets de 1975, 1980 et 1985 à ceux d’aujourd’hui pour comprendre que le problème ne se situent pas à ce niveau, mais plutôt l’enseignement reçu par les élèves qui n’est pas de qualité », s’exclame M. Tcharie qui précise que le problème vient plutôt de la pédagogie, autrement dit, de l’art de transmettre le savoir en sciences exactes aux élèves. Il a ajouté qu’il y a aussi une cause qui peut expliquer cette situation. « Entre 1993 et 2005 près de 90% des maitrisards qualifiés qui sortent de l’université s’orientent vers la Côte d’Ivoire sous prétexte que le salaire est plus élevé et cela a créé davantage de creuset dans l’enseignement de la mathématique et des sciences physiques » explique le professeur.
FAIBLES NOTES DANS LES MATIERES DE BASE : INCIDENCE A L’UNIVERSITE
La série ‘’C’’ est considérée comme la série des sciences mathématiques. Lorsque l’élève a le BAC ‘’C’’, la première possibilité est qu’il peut accéder au département de la mathématique. Il peut faire la mathématique fondamentale ou appliquée. La deuxième possibilité est qu’il peut passer tous les concours d’ingénierie. Pour celui qui a le BAC ‘’D’’, les mathématiques, la SVT et les sciences physiques lui sont nécessaires pour la réussite de cette série. « Alors quand un élève de BAC ‘’D’’ rate sa moyenne en SVT, en mathématique et science physique, il est claire qu’il ne peut pas être admise en médecine par exemple, pareille pour celui qui a fait la ‘’C’’. Si ce dernier n’a pas eu la moyenne en mathématique et science physique, il ne pourra pas être reçu au département de la mathématique. Cette situation contribue à la réduction des objectifs du département par manque de ressources humaine qualifiées pour assurer la relève dans l’enseignement de la mathématique et des sciences physiques », a illustré le professeur.
APPROCHES DE SOLUTION
Pour les élèves des séries scientifiques qui réussissent au baccalauréat, mais n’ayant pas la moyenne dans leur matière de base, le professeur titulaire en mathématique des universités du Togo et président de la société des sciences mathématiques propose au gouvernement, l’instauration à la Faculté des sciences, d’une année préparation à ceux-ci. Elle constituera pour ces nouveaux bacheliers une opportunité pour améliorer leur performance, en vue de mériter l’année suivante, le département de leur choix, pour l’atteinte de leur objectif. Tout ceci devra déboucher plus tard sur des initiatives personnes dans le cadre de l’auto-emploi des jeunes, gage du développement de toute nation.
« Il ne faut également pas perdre de vue la question de la pédagogie et des curricula de la formation des instituteurs et institutrice de mathématique des cours primaires. Bref, il faut un plan ‘’Marchal’’ pour l’enseignement des sciences exactes au Togo », a conclu le Pr. Kokou Tcharie.