Le président de la République ivoirienne, Alassane Ouattara et son homologue togolais, Faure Gnassingbé, ont réaffirmé, le jeudi 14 avril à Abidjan, leur engagement à œuvrer au renforcement de la paix et de la sécurité dans la sous-région ouest-africaine, à travers des solutions sous-régionales de lutte contre le terrorisme. C’était lors d’une visite de travail et d’amitié du dirigeant togolais en Côte d’Ivoire.
A la suite des discussions, les deux chefs d’État ont fait part de leur disponibilité à œuvrer de concert avec les autres dirigeants notamment de l’espace CEDEAO, à travers l’Initiative d’Accra pour la préservation de la paix et de la sécurité dans la sous-région.
« Avec mon frère Faure Gnassingbé nous avons décidé de mutualiser nos efforts pour préserver la paix et la sécurité dans notre sous-région, notamment au Mali, en Guinée, et au Burkina Faso », a twitté le président ivoirien.
« Aujourd’hui, nous ne pouvons pas rester indifférents aux problèmes de la sous-région, notamment le terrorisme qui ne peut plus être vu comme un problème du Mali, du Burkina Faso ou du Niger. Mais un problème sous-régional, de la CEDEAO. Les problèmes étant sous-régionaux, je crois que les solutions aussi doivent être sous-régionales », a indiqué Faure Gnassingbé, à sa sortie d’audience.
Pour le président togolais, les chefs d’Etat de la sous-région doivent tout faire pour éviter l’impasse d’un côté comme de l’autre et sortir des sentiers battus afin de « réagir avec beaucoup plus d’audace, beaucoup plus de solidarité » aux situations de transition politique et de terrorisme que traversent certains pays de la sous-région. Il a préconisé de poursuivre les discussions au niveau des Chefs d’Etat mais également avec les Autorités de transition pour surmonter les difficultés afin de préserver la paix et la sécurité dans notre sous-région.
Le Président Faure Gnassingbé a indiqué que personne n’a envie que d’autres peuples souffrent de sanctions et a souligné la volonté des pays de la sous-région de se concentrer sur leur agenda économique pour le bien-être de leurs populations.
Le président togolais a exprimé sa gratitude au président Alassane Ouattara pour toutes les marques d’attention dont sa délégation et lui ont bénéficié durant leur séjour, ainsi que pour sa disponibilité.
La délégation présidentielle était composée de quelques membres du gouvernement. Du côté ivoirien, le ministre, directeur de cabinet du président de la République, Fidèle Sarassoro, le ministre, secrétaire général de la Présidence de la République, Abdourahmane Cissé, et la secrétaire générale adjointe de la Présidence de la République, Masséré Touré-Koné, ont pris part à cet entretien.
Redynamiser les mécanismes sous régionaux
Les États de la sous-région ouest-africaine n’ont pas le choix que de prendre en charge leur sécurité en luttant contre les groupes terroristes. La mutualisation des forces militaires des Etats de la sous-région est l’option la mieux partagée par les experts pour lutter contre les djihadistes car un seul pays ne peut relever le défi là où des forces conjointes n’ont pas réussi à endiguer les attaques des djihadistes.
Le G5 Sahel, qui regroupe le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger est l’un des dispositifs les plus connus de coopération entre états du Sahel pour faire face aux djihadistes dans la région. Survivra-t-il au retrait de Barkhane et de Takuba ?
Oumarou Paul Koalaga, spécialiste des relations internationales et sécuritaires, parle de fragilisation : « Les efforts qui avaient été bien structurés et qui permettaient aux états du G5 Sahel dans une certaine coordination, de pouvoir mener la lutte ou de minimiser la capacité de nuisance des groupes terroristes, aujourd’hui on voit que cette situation va connaître, sans forcément dire qu’on va vers un arrêt complet de ces opérations, on sent qu’aujourd’hui le G5 est fragilisé notamment avec le départ de Barkhane. Il va falloir une autre dynamique avec les états de l’Afrique de l’Ouest qui doivent plus ou moins mutualiser les efforts pour pouvoir venir à bout de ces terroristes. »
Selon toujours Koalaga, la situation actuelle présente une occasion pour les armées de la sous-région de s’affirmer davantage : « C’est vrai qu’on peut compter sur le soutien de partenaires mais plus que jamais, une fois de plus, c’est la bonne opportunité pour ces forces ouest africaines de montrer qu’elles ont quand-même quelque répondant et que malgré qu’il y ait des effets d’annonce, bien sûr suivis de décisions majeures quant au départ de Barkhane, qu’elles sont capables parce qu’elles ont quand même pendant un bout de temps eu l’occasion d’apprendre, de s’adapter à la menace et devraient aussi pouvoir apporter un certain nombre de réponses. C’est sur ces questions qu’on attend ces états de l’Afrique de l’ouest qui, à un moment donné, au-delà des discours doivent aujourd’hui passer aux actes. »
Cependant, le problème du cadre d’actions se pose, ainsi que celui des moyens, notamment financiers.
« La CEDEAO a montré des limites »
Emmanuel Koukoubou soutient que « la CEDEAO a montré des limites ». Pour étayer ses propos, il donne deux exemples : « Le premier, c’est que la Force en attente de la CEDEAO n’est toujours pas sérieusement montée en puissance ; et il paraît utopique de penser qu’elle pourrait être déployée pour lutter contre les groupes djihadistes. Le deuxième, c’est que la CEDEAO n’est pas capable, à ce jour, de financer sa propre politique de lutte contre le terrorisme. Il s’agit d’un plan d’action quinquennal adopté lors de la conférence de Ouagadougou organisée sur la lutte contre le terrorisme en septembre 2019. Un plan d’un budget estimé à 2,3 milliards dont les pays de la CEDEAO devaient mobiliser directement au moins 1 milliard. À ce jour, les fonds promis par les Etats membres n’ont pas été entièrement libérés. C’est vous dire qu’entre la volonté affichée, le discours proféré et les actes concrets qui suivent, il y a un grand fossé à combler. »
L’intérêt des djihadistes pour les pays côtiers pourrait aussi servir de prétexte pour redynamiser l’Initiative d’Accra, qui réunit le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo. Koukoubou pense qu’elle « pourrait devenir un cadre plus intense de coopération antiterroriste » à condition de trouver une solution pour son financement.
Ignace T.